Interview : Petra De Roos et Karen Corrigan à propos de l’égalité des genres dans le secteur publicitaire

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L’UBA a publié en janvier une charte pour en finir avec les stéréotypes dans la publicité. Sommes-nous encore trop attachés à des modèles de rôles démodés ? Et qu’en est-il effectivement de l’égalité des genres en coulisse ? Jozefien Daelemans a évoqué ce sujet avec deux figures de proue du secteur publicitaire : Petra De Roos, managing director chez LDV United et Karen Corrigan, CEO de Happiness.

Remarquez-vous déjà un changement dans les modèles de rôles illustrés par la publicité ?

Petra : « Nous remarquons certes que la répartition hommes/femmes a gagné en modernité. Mais je pense que tout cela doit rester crédible. Je me pose souvent une question toute simple : quand une marque le fait-elle par pur engagement et quand se force-t-elle à le faire pour surfer sur le hype que suscite ce sujet brûlant d’actualité ? »  

Karen : « En tant que publicitaire, j’essaie de préserver la spontanéité. Nous devons tenir compte de la dimension culturelle dans une société. Il incombe même aux publicitaires d’être à l’avant-garde du changement et d’y réagir. Mais certainement sans forcer le trait ».

Petra : « Je crois plutôt que la publicité surfe sur une vague, sans pour autant la provoquer elle-même. Nous pouvons certes un peu accentuer les vagues, mais c’est tout. Et nous ne devons pas être trop politiquement corrects : personne ne s’en est jamais mieux porté ».

Qu’est-ce que le politiquement correct ? N’est-ce pas une notion différente pour chacun ?

Karen : « Je trouve très positif que l’on y soit sensibilisé et que nous puissions débattre plus vite d’éventuelles erreurs. Le débat public menace toutefois de déraper, ce que je trouve dangereux. Les gens ont un avis sur tout et les réseaux sociaux leur donnent une caisse de résonance énorme. On risque donc un important mouvement de nivellement, parce que chacun vivra dans la hantise de commettre un impair. Tant dans la communication que dans le journalisme ».

Est-ce une bonne chose que les consommateurs aient voix au chapitre ? Comment pourrait-on débusquer autrement la publicité sexiste ou raciste ?      

Karen : « Je suis d’accord avec le constat selon lequel il y a trop de publicité sexiste infondée. Mais nous avons besoin de temps. On ne peut pas imposer le changement à marche forcée. Le faire à un effet contre-productif. Je plaide pour une approche subtile et spontanée ».Certaines personnes issues de groupes minoritaires disent qu’elles attendent ce changement depuis trop longtemps déjà.              

Petra : « Je pense que les choses évoluent plus vite que nous l’imaginons. Rappelez-vous une campagne publicitaire emblématique d’il y a quelques années pour Ché Magazine. Le slogan était : “Continuons à rêver ensemble d’un monde meilleur”. On y voyait une fille portant une minijupe, sur laquelle apparaissait son numéro de téléphone, sous la forme de petites languettes de papier à déchirer. À l’époque, nous trouvions cela fantastique.                      Aujourd’hui, personne n’imaginerait sortir une campagne de ce genre. Et c’est une bonne chose. Pourtant, à l’époque, cela ne posait aucun problème. On peut donc dire que les mentalités évoluent relativement vite. Et je trouve cela positif, car il y a encore tant de choses à changer dans notre société ».

Les campagnes choquent parfois et suscitent la controverse. Est-ce la bonne méthode pour changer les choses ?                                                                                                                 

Karen : « Je pense qu’il n’appartient pas aux marques de choquer. Elles doivent plutôt élargir les horizons afin que nous parvenions petit à petit à la société à laquelle nous aspirons tous ».

Petra : « Sauf si choquer est inscrit dans l’ADN de la marque. Ça doit parfois aussi être possible. Born to shock. Et il y en a quelques-uns qui ont ce credo ».  

Cet article se fonde sur une interview par Jozefien Daelemans publiée sur charliemag.be. Vous pouvez lire l’interview complète ici. Les photos sont de Jarod Mauws.

https://www.charliemag.be/wereld/rollenpatronen-reclame/?fbclid=IwAR1k5Y7lmOVwOexYfp04sPa_fRmRLZssP1yS3I09j1NMzYrgxKiHXlrrRS4