
A la veille de la publication du cru 2019 de l'étude NRS, nous avons rencontré Helen Willems, la nouvelle présidente du CIM, qui, tout au long de sa carrière chez l'annonceur, aura passé exactement trois décennies à défendre une valeur centrale depuis le début de sa carrière professionnelle : la collaboration.
A l’interne mais aussi avec ses partenaires, et tant mieux. Car sa nouvelle mission au sein du CIM nécessitera une belle dose d’empathie, tout comme une autorité participative. Rigoureuse et constructive, tout en sachant garder sa place, elle serait la bonne personne pour aider notre association à réussir ses multiples défis.
Plus qu’un fil rouge, la carrière d’Helen Willems se déroule dans le camp du client, parmi les activités commerciales et de marketing avant de s’élever au niveau du top management. Sa carrière rime avec Beiersdorf où où elle occupera notamment les postes de Country Manager Belux et de General Manager pour la France. Après plus de 25 ans dans la Boîte Bleue, elle se retrouve à la tête de Miele pendant un an et demi et ensuite chez Distriplus de 2016 à 2018, où elle devra repositionner l'enseigne Di. Aujourd'hui, elle reprend donc les fonctions de Thierry Keyen à la présidence du CIM.
Pouvez-vous nous expliquer, compte tenu de votre parcours, comment le matching avec votre nouvelle fonction de présidente est apparu ?
D’un point de vue très pratique d’abord, lors d’une conversation presque par hasard avec certaines personnes impliquées, notamment Philippe Belpaire (General Manager de la régie Roularta Media, ndlr.). Il se fait que j’étais disponible pour cette mission, qui pouvait a priori m’intéresser. Après, il a fallu plusieurs entretiens notamment avec Thierry Keyen, Stef Peeters et d'autres membres du Bureau pour mieux comprendre les attentes et pour que les intervenants placent mon nom sur la table.
La question évidente concerne votre profil totalement annonceur : est-ce intentionnel ?
Sans doute. Mon background, et je le dis de façon objective, doit logiquement renforcer le poids de l’angle annonceur dans la tripartie du CIM. Par ailleurs, je voudrais souligner que je suis toujours restée très captive des sujets médias dans ma carrière, et active dans les dossiers. L’arrivée de mon profil comme présidente est le signe de quelque chose. Je n’irais pas jusqu’à dire que Thierry Keyen représentait les régies et moi les clients, mais l’association semble vouloir se rapprocher des annonceurs. Et il est vrai que jusqu’ici, j’ai le sentiment que la tripartite était dominées par les médias. Nous voudrons donner plus d’attention au client final.
Votre historique faciliterait cette approche ?
Je suppose. Je pense aussi avoir un network important, je connais beaucoup de monde et cela peut aider. Modestement, je crois aussi inspirer confiance et de la neutralité. Deux facteurs importants pour mon futur rôle et pour le CIM en général.
Finalement, pour quelles raisons avez-vous signé pour cette mission ?
J’ai compris la situation actuelle du CIM et les enjeux pour demain. L’optique est tout d’abord de s’engager pour trois ans, moins n’aurait pas de sens. Et même si ce n’est pas un job plein temps, ce sera très impliquant, pour moi et toutes les parties. Alors les raisons… Me concernant, cela me permettra de me remettre en contact avec les médias, un univers qui m’a toujours intéressé. Plus concrètement, accompagner les différentes instances du CIM dans leur évolution et leurs changements. Enfin, d’un côté plus pratique encore, faciliter certaines réunions et les rapports internes comme externes. En bref, faire avancer les choses.
Avez-vous des craintes ?
Oui, peut-être de ne pas arriver à trouver un compromis, notamment sur le rôle du CIM à "2020+". Un sujet central, en fait, qui est la plateforme de réflexion sur la destinée du CIM à travers ses différents outils.
Que verriez-vous comme problème ou facteur bloquant ?
J’en vois au moins deux, potentiellement. D’abord le digital dont une partie échappe à la table ronde, notamment par la rétention de data des global players. Ensuite, et ce n’est pas nouveau non plus, les enjeux politiques des régies et l’influence de la concurrence. Mais ceci n’est pas si clair pour moi, je suis actuellement en train de faire le tour des différents acteurs. Je ne suis pas certaine que les médias manquent d’un bon esprit au CIM. Certes, il y a des réticences lors de ruptures méthodologiques, par exemple, et la crainte maintenue que de nouveaux résultats impactent négativement sur le plan commercial.
Ce phénomène n’est pas nouveau.
Pas vraiment. En revanche, les rapports avec les instituts de sondage ont changé. Le marché a vécu de fortes concentrations. Et du coup, nous bénéficions de moins de prestataires potentiels, ce qui diminuent la capacité à négocier au sens large, mais aussi le panel des possibilités. Moins d’interlocuteurs signifie moins d’opportunités à tous points de vue.
Parlons des indicateurs et de mesures utilisées en marketing, justement. Vous avez été confrontée à de nombreuses sources lors de vos fonctions précédentes. Voyez-vous des changements, depuis ?
A l’époque, nous consacrions déjà beaucoup d’attention aux résultats des campagnes, mais aujourd’hui, les marques subissent encore plus de pression sur les budgets. Le ROI est une notion certainement plus importante qu’avant.
Ces mesures produisent-elles des résultats satisfaisants, selon vous ?
Pas assez. Il reste un gapentre le billing ou la part de marché, et les soi-disant résultats obtenus (de l’investissement publicitaire, ndlr.). Nous devons lier au mieux les trois sources de base : ventes, investissements et performances, incluant les mesures d’impact déclaratives ou même les pré-tests. Tout en admettant que, parfois, des cas font apparaître de jolis succès auprès des consommateurs dans les sondages, mais un krach sur le plan commercial ! Et réciproquement : un mauvais testing et un bon sales lift.
Ceci constituerait une force des grands acteurs du digital ?
Oui parce que la marque sait mieux suivre son funnel. En fait, peut-être que c’est aussi une question de clarté. Google et Facebook présente des plans ou des rapports de façon assez consistante et complète. Et donc peut-être que les médias de masse sont "productifs", mais le résultat de leurs recherches ou de leurs mesures serait moins clair et moins complet. Par contre, l’absence des GAFA au CIM est une occasion manquée. Le fait qu’ils produisent leurs propres indicateurs, avec leurs sources et formules n’est pas normal. Ils disposent de leur propre currency.
Vous souhaitez les aligner à la table ronde du CIM dont vous parliez ?
Idéalement, oui. Les partenaires actuels de la tripartite n’ont rien contre eux, mais ils doivent s’ouvrir à partager leurs données, à s’aligner sur certains aspects techniques et aussi sur le plan du financement de notre organisation. Peut-être que je rêve ? Cela ne va pas se faire tout seul, il faudrait compter au minimum sur l’intervention de l’UBA. Et je ne suis même pas sûre que les filiales des médias digitaux internationaux ont même l’autorisation de nous parler ou de décider au niveau local.
Qu’est-ce qui pourrait faire changer les choses ?
Difficile à dire. D’autres formes de pression ? Ici, on marche sur de la glace… mais si ces quasi-monopoles rencontrent de nouveaux concurrents, la situation peut s’assouplir. Ou le fait d’obtenir des résultats moins probants ? Car nous y revenons : le client veut du returnà court terme et à un coût relatif intéressant. Le jour où ce n’est plus le cas, la discussion pourrait commencer.
Pour revenir à votre mission au sein du CIM : quels sont les enjeux principaux ?
La mission du CIM est de fournir aux trois types de membres des informations précises, objectives et fiables. Mon rôle premier sera d’obtenir en général des consensus, et auparavant bien identifier tous les projets et les priorités. Dont la communication entre le CIM et les annonceurs, mais aussi vis-à-vis des médias. Dans le passé, une sortie d’étude était un événement, aujourd’hui c’est moins lecas : il faut remettre le CIM "in the picture". Et derrière cela, le concret dont nous avons parlé : le digital, la cross-média, les dialogues, bref, un CIM 2020+ solide.