
Lors de l’UBA Media Date, nous avons eu le privilège d'interviewer Lars Silberbauer (VP Director de Viacom Digital Studios). De la fusion entre CBS et sa boîte, il n’a pas voulu parler, mais sur l'importance du changement et la meilleure façon de l’aborder, il était plutôt loquace. Une belle rencontre.
Avant d’entrer chez Viacom, vous avez notamment travaillé pour Lego. Vous y avez transformé la marque d’un fabricant de jouets traditionnel en une société de médias et de divertissement à part entière. En 2015, Adweek l'a même élue meilleure marque de jouets sur les réseaux sociaux et YouTube. A quoi attribuez-vous ce succès ?
Lego, c'est tout d'abord un produit fantastique et simple que tout le monde sait utiliser. Nous naissons tous créatifs, notre créativité atteint son apogée à l'âge de trois ans, mais ensuite la vie structure notre pensée, nous nous plions aux règles et la créativité disparaît à l'arrière-plan. Des recherches démontrent qu'à peine 2% des jeunes adultes de plus de 25 ans réussissent à conserver cette créativité initiale. En raison de sa simplicité, Lego est parfaitement adapté pour exprimer cette créativité, comme l'a illustré la marque il y a quelques années avec sa campagne mondiale Krongiwongi, dans laquelle les enfants du monde entier construisaient en briques Lego ce que le mot signifiait pour eux. L’action a généré des résultats incroyables.
Le sujet de votre discours du jour porte sur la manière dont les marques devraient affronter un contexte en pleine mutation. Selon vous, quel est le défi le plus important pour une marque aujourd'hui ?
Tout change de plus en plus vite et les disruptions à venir sont encore nombreuses. Aujourd'hui, les marques sont toutes construites pour fonctionner dans un monde statique, pour communiquer via la radio et la télévision, au sein d’une structure classique avec une agence créa et média, etc. Mais à ces vecteurs sont venus s’ajouter de très nombreux nouveaux moyens de s’exprimer, de nouvelles expériences, avec les canaux digitaux notamment.
On ne peut pas atteindre l’espace en voilier. Au lieu de se cramponner à ce que l’on savait bien faire et de courir derrière le changement, il faut en tant que marque savoir conserver son ADN, mais en même temps embrasser le changement, le mettre à son service. C’est la seule compétence dont il faut vraiment disposer, dans laquelle il faut s’exercer. Et le faire mieux que ses concurrents.
Ce n’est pas chose facile, puisque l’humain a tendance à construire des choses destinées à résister à l'épreuve du temps. Il faut donc savoir désapprendre, oublier pour pouvoir intégrer la nouveauté.
Qu’est-ce que cela signifie pour les médias ?
Nous avons l’habitude de placer les médias dans des cases : ce n'est pas une bonne chose. Les médias sont synonymes de communication et de plateformes, on ne peut plus les utiliser simplement comme des tubes ou des silos. Les comportements médias sont en train de changer. La consommation de télévision diminue et l’inventaire disponible rétrécit. Le streaming qui touche un large public et représente un volume de consommation important, n’offre aucun inventaire, car il est sans publicité puisque le public paie pour le contenu. Vous ne pouvez y accéder que par le biais d'intégrations de marques. "Stranger Things" par exemple, avait 75 intégrations de marque. Mais cette forme n'est bien sûr accessible qu'aux 75 plus grandes marques qui communiquent dans le monde entier.
Le reste doit réfléchir à d’autres canaux. Il y aura toujours des publicités, mais les gens en ont marre des publicités intrusives et migreront vers des plateformes où ils seront moins interrompus. Les marques doivent donc examiner de près la manière dont elles gèrent et produisent du contenu, comme Lego l'a fait. La marque a créé un contenu à ce point orignal que les chaînes de télévision étaient disposées à payer pour l’avoir. En outre, les marques doivent également examiner la manière dont elles offrent leurs services.
Ou, pour passer à un registre très à la mode, au sens qu'ils peuvent avoir dans la vie des gens… Ne pensez-vous pas que le marketing abuse du purpose de nos jours ?
Il ne faut pas que ce soit trop "in your face". Il faut que l’action soit juste, authentique et transparente. Sinon, vous déboucherez sur de très mauvais exemples, comme celui de Pepsi et Kendall Jenner en 2017. Pepsi a identifié un certain nombre de tendances existantes et les a utilisées pour y intégrer un produit commercial qui en soi n'avait rien à voir. Bien que Pepsi ait incontestablement tout fait selon les traditionnelles règles de l'art, sa pub était perçue comme glossy, déplacée et fake. Tout le contraire de l’objectif envisagé. Bien sûr elle a été descendue entièrement.
L'une des choses importantes pour éviter de telles erreurs est la culture interne. La diversité est essentielle au sein des équipes pour qu'elles deviennent résilientes. Alors seulement les entreprises peuvent être extraverties à propos du message qu’elles souhaitent faire passer.
Vous croyez en l’impact de l’influencer marketing ?
Dans le monde actuel, les gens montrent beaucoup plus de similitudes que de différences. C’est une donnée essentielle, liée au fait que les plateformes se mondialisent. Les jeunes sont constamment sur ces plateformes. 68% des consommateurs suivent des influenceurs issus d’autres pays que les leurs. Les niches sont devenues globales, ce qui permet de faire appel à des influenceurs globaux. Il faut toutefois tenir compte du fait que les tendances évoluent très vite aussi à ce niveau-là, ce qui constitue tout un défi à cette échelle.
Quel est votre message au marché belge ?
Nous voyons le mode de fonctionnement des médias évoluer mais nous ne modifions pas notre manière de travailler. Les entreprises doivent être construites pour être agiles. Les marques doivent penser comme des start-ups. C’est possible en appliquant une méthode "trial & error" beaucoup plus rapide. Il ne faut pas que tout soit parfait avant de lancer un concept, un produit ou un service. Il faut le lancer et l’adapter dans la foulée.
Regardez ce qui se passe en Chine, qui symbolise à mon avis ce que l’avenir nous réserve. Ce pays a zappé la génération du desktop pour passer directement au mobile. Il génère l’innovation, à une échelle que nous ne connaissons pas encore. Il suffit de regarder TikTok. C’est la première plateforme sociale vraiment globale et elle a rallié 500 millions d’utilisateurs en trois ans.