
Le prix Nobel Daniel Kahneman a montré que 95 % des décisions que nous prenons sont inconscientes et que la couleur est le facteur dominant dans 85 % des cas. La couleur joue donc un rôle extrêmement important lorsque les consommateurs évaluent une marque ou un produit. Le choix des couleurs adéquates est le moyen le plus simple et le plus rapide de doper les résultats d’une entreprise. La majorité des entreprises sous-estiment toutefois largement la couleur. En utilisant les bonnes combinaisons et nuances de couleurs sur un logo de marque, un emballage, un site web ou une annonce, vous pouvez générer beaucoup plus d’impact et répondre aux désirs et aux attentes du consommateur.
Google a par exemple mis sur pied plusieurs expériences pour décider quelle nuance de bleu utiliser pour les liens publicitaires dans Google Search et Gmail. L’entreprise a ainsi appris qu’une teinte de bleu tendant vers le violet était plus propice au clic qu’une teinte de bleu tendant vers le vert. Cette découverte et la mise en œuvre de la nuance de bleu adéquate ont rapporté pas moins de 200 millions $ supplémentaires au géant de la Silicon Valley.
Science et études : les couleurs ne se discutent pas
L’utilisation de la couleur est souvent déterminée par les préférences du marketeur ou du graphiste, tandis qu’elle devrait plus que jamais être le fruit d’un processus de réflexion rigoureux. Dans ce contexte, il ne s’agit pas uniquement de se fier à l’avis des consommateurs. Aussi bien intentionnés soient-ils, les consommateurs sont souvent incapables de formuler des réponses pertinentes aux questions que se posent les entreprises. Il importe, en ce sens, non seulement de mener des études auprès des consommateurs, mais aussi d’utiliser les données et les connaissances existantes, les principes de l’économie comportementale et l’expertise des couleurs fondée sur la science. Les couleurs peuvent en effet être chaudes ou froides, stimulantes ou calmantes, ou encore lumineuses ou sombres. En associant l’impact et la signification des couleurs à d’autres données d’études de marché, on se rapproche encore plus de ce que pensent et ressentent les consommateurs.
Percevoir les couleurs avec les perspectives des consommateurs adéquates
L’intégration d’une expertise des couleurs fondée sur la science est particulièrement pertinente dans le cadre des études sur la marque, la communication et l’emballage, mais aussi lorsque nous voulons segmenter les consommateurs ou mettre au point de nouveaux concepts.
Une identité visuelle qui reflète les valeurs de la marque
La première étape pour développer une identité de marque visuelle forte consiste à déterminer précisément la raison d’être de la marque (« brand purpose »), l’histoire de la marque et les valeurs de la marque au départ des perspectives des consommateurs et des macro-tendances. Pour déterminer leur identité visuelle, les marques se focalisent ensuite souvent aveuglément sur les couleurs principales de leur marque ou de leur logo. ING utilise par exemple une dominance d’orange dans ses communications, tandis que Belfius privilégie le rose foncé. Outre les couleurs principales, il existe cependant toute une palette de couleurs contextuelles qui peuvent être utilisées dans la communication visuelle à partir de la base de données de couleurs fondée sur la science et composée de près de 10 000 nuances de couleurs. L’exemple de Bebat montre qu’en plus des deux couleurs principales de la marque, il est possible d’utiliser dans la communication une large gamme de couleurs contextuelles qui ont la même charge de valeurs de la marque.
Cas client Bebat. Outre les couleurs principales de la marque, il existe toute une palette de couleurs contextuelles qui soutiennent les valeurs et l’identité de la marque.
Les couleurs principales et contextuelles sont choisies en fonction de la charge émotionnelle et des associations que ces couleurs suscitent inconsciemment. Elles correspondent bien sûr aussi aux valeurs de la marque. Résultat : un impact accru sur le comportement des consommateurs.
L’enrichissement des études sur la communication et l’emballage
Il en va de même pour les études sur la communication et l’emballage où, en plus d’explorer le message et le tone of voice souhaités, nous déterminerons également quelle identité de couleur visuelle doit y être associée pour accroître la performance et le taux de conversion de l’ensemble des points de contact. Il s’agit, ici aussi, d’orienter les consommateurs vers un comportement donné par le biais de la couleur et des associations liées, sur la base de processus de choix inconscients.
L’audit de couleurs d’un emballage existant révèle souvent que des améliorations sont possibles et que toutes les couleurs utilisées ne sont pas efficaces. Dans l’exemple de Seventh Generation, on constate notamment que le rose utilisé ne reflète pas l’avantage « ultraconcentré » du produit et qu’une autre teinte de rose est recommandée.
Cas client Unilever Seventh Generation. Outre les études auprès des consommateurs visant à évaluer les emballages neufs et existants, un audit de couleurs met en évidence les associations des couleurs actuellement utilisées.
Dans la quête de l’emballage le plus percutant, on s’éloigne désormais des processus de recherche longs et coûteux. On combine par exemple les études auprès des consommateurs avec le suivi oculaire prédictif (« predictive eye-tracking ») et la science des couleurs pour valider si l’emballage se démarque suffisamment et si les éléments les plus importants attirent l’attention. Sur la base de plus de 20 000 expériences, de 1,6 million de points de données de suivi oculaire et d’un algorithme d’IA subtil, la solution technologique efficace est capable de prédire ce que les gens regardent pendant les 3 premières secondes cruciales d’exposition à un stimulus, et ce avec une précision de plus de 90 %. Nous sommes ainsi en mesure de tester et d’optimiser différentes exécutions de manière rapide et itérative.
Moteur d’intelligence prédictive. La combinaison du suivi oculaire prédictif et de l’expertise des couleurs indique la performance de la communication visuelle.
La couleur en tant qu’outil d’étude implicite pour la segmentation et la conceptualisation
Pour finir, nous injectons également la richesse des couleurs dans l’étude de la segmentation et des concepts. Sur la base des préférences de couleurs intuitives et inconscientes, nous pouvons segmenter les consommateurs et les associer à des personas de marque ou fournir des informations aux départements marketing et R&D sur les avantages fonctionnels et émotionnels qu’un concept doit apporter et sur l’identité de couleur visuelle qui doit l’accompagner.
Les études nous apprennent, par exemple, que les gens classent généralement le vin en deux catégories : d’une part, nous avons le vin au goût riche et complexe, réservé aux grandes occasions ou qui se marie bien avec certains plats. Ce vin est généralement plus coûteux. D’autre part, nous avons le vin au goût plus doux, accessible, à consommer entre amis et dont le prix est inférieur. En fonction du produit ou du positionnement de marque souhaité, le viticulteur peut également décider d’utiliser les couleurs adéquates sur tous les points de contact, y compris sur les étiquettes des bouteilles. Observons les bouteilles de vin et les couleurs des étiquettes dans le cas client consacré à un viticulteur. Les consommateurs estiment que la perception de la qualité, l’intensité du goût et l’attente en termes de prix des vins du concept « High End » dépassent celles du concept « Commercial ». Si votre marque ou votre produit se veut plutôt accessible et simple, les étiquettes du concept « Commercial » seront à privilégier.
Cas client viticulteur. Sur la base des choix de couleurs dans le cadre d’une description de concept, des associations et des couleurs correspondantes sont automatiquement liées au concept.
Les couleurs font la différence
Il apparaît donc clairement que les couleurs font la différence. La combinaison de l’expertise des couleurs et des études de marché permet d’obtenir de meilleurs résultats. Le bon choix de (combinaisons de) couleurs entraîne une identité visuelle plus forte, un impact accru sur le consommateur et des résultats positifs pour les marques à long terme.
Par Jasper Scheir et Wim Hamaekers, fondateurs de One Inch Whale (ils donnent la Master Class Instore Communication à l’UBA Academy) & Thierry Lescrauwaet, fondateur de Color Navigator