
Lors de la conférence sur le changement climatique du début du mois, à Glasgow, de nombreux dirigeants mondiaux ont adopté une rhétorique forte pour exprimer leurs préoccupations quant au dérèglement climatique.
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a ainsi déclaré qu’il était temps d’arrêter de « traiter la nature comme des toilettes ». Quant à sir Attenborough, il a affirmé que « la stabilité dont nous dépendons tous est en train de se briser », exhortant la communauté internationale à agir. Nous constatons que la durabilité est une préoccupation majeure des jeunes consommateurs aussi, une tendance que la pandémie de COVID-19 a largement amplifiée.
Lors de l’UBA Trends Day 2020, j’avais présenté les premières conclusions belges de notre étude sur la « consommation consciente ». Depuis, ces premiers enseignements se sont enrichis des recherches quantitatives exclusives menées sur 9 marchés, en pré-pandémie et en inter-pandémie. Étoffé par des interviews d’experts (avec des marques telles que Danone, Royal Canin, Beiersdorf, Perrigo et Philips) et par des tendances et des études de cas du monde entier, ce rapport est devenu un guide complet sur la durabilité. Permettez-moi de présenter ci-dessous certaines conclusions fondamentales de cette étude sur la « consommation consciente ».
Le paradoxe de la durabilité
Bien que 84 % des consommateurs européens indiquent que la durabilité est importante, beaucoup n’agissent pas en conséquence, ce qui donne lieu à ce que nous pouvons appeler un « paradoxe de la durabilité ». Alors, qu’est-ce qui les retient de faire le pas ?
La durabilité est, avant tout, un sujet très complexe, ce qui se vérifie lorsque les gens partagent ce qui leur vient à l’esprit lorsqu’ils pensent à la durabilité. Les consommateurs européens associent un large éventail de concepts à la durabilité, de la réduction des émissions de CO2 (53 %) au recyclage (51 %), en passant par la réduction des emballages et des plastiques (49 %), la réduction des déchets alimentaires (48 %), les salaires équitables et les bonnes conditions de travail (21 %). La surabondance d’allégations et de labels, d’une grenouille, d’un arbre vert ou d’un poisson bleu à des labels tels que « biologique », « sans additif », « naturel », « commerce équitable », ne fait qu’ajouter à cette « écoconfusion ».
Une deuxième dimension du paradoxe de la durabilité est ce que l’on appelle le « fossé entre la parole et l’action » : si les ambitions sont élevées, le comportement réel reste faible. Nous avons identifié quatre « écobarrières » qui empêchent les consommateurs d’agir et d’adopter un mode de vie plus durable. Pensez à l’accessibilité financière (les alternatives durables sont perçues comme plus chères), à l’accessibilité (manque d’informations sur les produits durables et manque d’alternatives durables), à la performance (les consommateurs se sentent obligés de faire un compromis entre la durabilité et la performance) et à la commodité (perception que l’adoption d’un mode de vie durable demande trop de temps et d’efforts).
Combler le fossé entre la parole et l’action
Nos recherches ont pourtant montré que plus de 57 % des consommateurs européens souhaitent changer leurs habitudes et combler le fossé entre la parole et l’action afin d’avoir un impact positif sur l’environnement.
Les marques peuvent jouer un rôle important en aidant les consommateurs à adopter de nouvelles habitudes. En tant que premier annonceur mondial, Procter & Gamble a utilisé sa notoriété non seulement pour promouvoir ses propres marques, mais aussi pour aider les consommateurs à vivre plus durablement en changeant leurs habitudes. En avril 2021, P&G a ainsi lancé sa campagne #ItsOurHome, qui explique comment de petits gestes à domicile (éteindre les lumières, fermer le robinet en se rasant, laver les vêtements à l’eau froide) peuvent faire toute la différence pour la planète. Épinglons aussi le programme Trade In d’Apple, qui vise à détourner les déchets électroniques des décharges en offrant aux consommateurs la possibilité de restituer leurs appareils en magasin. En échange, ils reçoivent un crédit pour leur prochain achat ou un chèque-cadeau à utiliser à tout moment.
Des habitudes de consommation durables
Étant donné que 50 % des consommateurs européens se déclarent durables et que seulement 16 % disent ne pas l’être, il est clair que les consommateurs prennent déjà des mesures pour adopter des habitudes (plus) durables. Nous en avons identifié plusieurs, qui vont de la réduction du plastique (à usage unique) à une moindre consommation de viande, en passant par les voyages écologiques, mais aussi la réparation, le recyclage et l’upcycling. En fait, 61 % des consommateurs européens raccommodent leurs vêtements ou réparent leurs articles ménagers au lieu de les remplacer. Ce chiffre a légèrement augmenté par rapport à l’époque pré-COVID (58 %).
En parallèle à cette tendance au raccommodage, nous constatons une nette évolution vers la « dé-propriété ». Pourquoi acheter quelque chose si vous pouvez le louer, l’emprunter ou l’utiliser ? Louer des vêtements, par exemple par le biais de « Rent a runway », n’est plus une utopie. Grâce à cette entreprise évaluée à un milliard de dollars, vous pouvez louer une jolie robe pour aller à une fête et la renvoyer ensuite. Dans le secteur automobile, la société sœur de Volvo, Lynk & Co, propose des véhicules en location. Et Kipling propose de louer des bagages au lieu de les acheter. Un autre exemple est le service d’abonnement de meubles qu’IKEA teste actuellement comme modèle d’affaires dans 30 pays. Pour un montant fixe par mois, les consommateurs peuvent louer une chambre à coucher, un salon, une salle à manger, une chambre d’étudiant ou un espace de travail IKEA complet. À la fin du contrat, IKEA s’assure que le mobilier est réutilisé par d’autres clients IKEA ou par son réseau de partenaires commerciaux (économie circulaire).
Quel impact pour les marques ?
Il est clair que les marques doivent s’adapter à ces nouvelles attentes et normes de consommation. L’attitude consistant à dire « pourquoi changer une recette qui a fait ses preuves depuis des années » est la pire à adopter. Le choix de la bonne mission et de la bonne stratégie ESG est essentiel à cet égard. À cet égard, notre rapport « Conscious Consumption » met en évidence cinq facteurs susceptibles d’aider les marques à choisir la bonne mission et la bonne stratégie ESG afin de devenir plus durables de manière crédible et pertinente.
Une fois que la mission et la stratégie de durabilité d’une marque sont claires, il est essentiel de communiquer sur ces ambitions et les progrès réalisés. 76 % des consommateurs européens estiment que les marques et les entreprises devraient être plus transparentes et fournir des informations supplémentaires sur leurs ambitions et leurs efforts en matière de durabilité. En outre, 65 % des consommateurs européens déclarent qu’ils adopteraient un mode de vie plus durable s’il était clair que les marques sont durables.
La communication et l’éducation sont donc essentielles, mais par où commencer ? Nous avons identifié quatre « règles d’or de la communication » en matière de durabilité.
- Qu’en retenir ? Tout d’abord, osez parler du long terme. Ce n’est pas parce que certains buts et objectifs sont prévus pour 2030 ou 2050 que les marques ne doivent pas communiquer à leur sujet. L’important ici est que les plans soient réalistes et la communication engageante.
- Deuxièmement, lorsqu’une marque a accompli quelque chose, elle doit communiquer à ce sujet et célébrer ses réalisations.
- Troisièmement, restez fidèle au ton de votre marque. La communication sur le développement durable doit s’inscrire dans le plan de communication global de la marque, en utilisant un ton, des canaux et des formats conformes à l’ADN de la marque.
- Enfin, soyez transparent. La voie vers une stratégie de durabilité optimale est souvent complexe et difficile. Les revers potentiels peuvent toujours être transformés en quelque chose de positif. Aborder ouvertement ces questions avec les consommateurs permet non seulement de renforcer la confiance, mais aussi de recevoir des commentaires et d’optimiser le parcours en cours de route.
Noah, une marque américaine de vêtements pour hommes, a par exemple publié avec audace un billet de blog sur son site web avec le titre « We Are Not A Sustainable Brand ». Sous ce message, la marque a mis en avant certains articles de presse louant les efforts de Noah en matière de durabilité. « Nous devons mettre les choses au clair : Noah n’est pas une entreprise durable. Bien que nous soyons très flattés que la presse et nos supporters nous complimentent fréquemment sur notre engagement dans les questions environnementales, notre mode de fonctionnement est loin d’être durable. Une entreprise de vêtements durable, ça n’existe pas », peut-on lire dans le message. Le message se termine par une déclaration affirmant que la marque s’efforce et s’efforcera toujours d’être responsable. « Dire que nous sommes durables serait un mensonge », conclut le blog. « Dire que nous en faisons un peu plus chaque saison serait la vérité ».
Par : Joeri Van den Bergh, Future Consumer expert InSites Consulting
Sur la base d’une recherche quantitative exclusive menée sur 9 marchés (Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Suède, Autriche, États-Unis, Suisse) et alimentée par des tendances, des interviews d’experts et des études de cas du monde entier, Joeri Van den Bergh explore la « durabilité » à travers le prisme des consommateurs d’aujourd’hui. Joeri met en lumière les principaux obstacles qui contribuent à ce que nous pouvons appeler un « paradoxe de la durabilité » et ce que cela signifie pour les marques.