
Un lieu de travail inclusif permet de mieux comprendre et de mieux refléter les consommateurs, ce qui, par extension, aide les marques à se différencier. Évident ? Pas pour tout le monde. PUB est parti à la rencontre d’Havas, TBWA, Happiness et 20 Something qui prouvent que les marques, et les agences, font des efforts.
En 2021, les trois associations professionnelles UBA, ACC et UMA, avec VIA, ont encouragé le secteur de la com’ à participer à une enquête sur la diversité et l'inclusion lancée par la World Federation of Advertisers(WFA). Le D&I Monitor est basé sur cinq dimensions de la diversité et donne une indication de la façon dont les employés de marcom dans notre pays pensent à la diversité et à l'inclusion. Le marketing et les communications inclusives ont non seulement un impact positif sur la société, mais il a également été démontré qu'ils sont plus efficaces. En pratique c’est plus compliqué. Comment faire en sorte que la pub touche les minorités, elle qui a pour but de s’adresser à une majorité ? Quid des agences créatives ? Est-il possible de garder l’inclusion et la diversité à toutes les étapes de la création ? Entre engagements et mesures concrètes, réponse.
Quelles sont les mesures prises au sein de votre agence pour un milieu plus inclusif ?
Audrey Feyants, Business Managing Partnerchez Havas Media Belgium : « Un des récents changements a été de faire monter plus de femmes au management dans le groupe Havas. Et nous sommes très fières de notre programme Femmes Forward, un programme d’apprentissage complet mélangeant des modules de formations axées sur l’analyse de compétences, la définition des formes de leadership mais également sur l’inspiration de leaders d’opinion internes et externes, le coaching de groupe et le networking. Aujourd’hui, nous avons même une extension, Femmes ForwardAcademy qui s’adressent à des femmes débutant leur carrière. »
Benoit Van Cauwenberghe, Founder & creative director de 20 Something : « Pour le recrutement, on a mis en place le programme « Hi my best friend », c’est-à-dire que la première personne que l’on rencontre, c’est le meilleur ami de celui ou celle qui postule car cet ami est la personne qui le/la connaît le mieux. Ceci dit, nous sommes une petite agence, nous n’allons pas commencer à calculer si on a un homosexuel, un transgenre, une personne de couleur… Tout dépend des candidats qui postulent chez nous évidemment. Ceci dit, aujourd’hui, on a tout intérêt à représenter la diversité au sein de notre agence. On transforme du blabla en bling bling, notre mission est de créer, d’innover et d’être à la pointe des changements, si nous ne montrons pas l’exemple, comment les clients pourraient-ils suivre le pas ? »
Philippe Fass, Partner & Executive Creative Director chez Happiness Brussels : « En engageant notre ESG manager Lucile Storme, nous avons tenu à ce que la diversité et l'inclusion fassent partie de sa mission. Nous avons par exemple constaté que si "diversité" veut dire que tout le monde est invité à notre fête, "inclusion" veut dire que nous voulons que tout le monde danse – ensemble - à cette fête. Ce n'est pas la même chose. Et c'est pour cela que notre Happy People Program se concentre là-dessus : faire en sorte que tout le monde puisse danser chez Happiness, pour s'y sentir bien. »
Sophie Steyaert, Director of People chez TBWA\Belgium : « On travaille avec des experts dans ce domaine pour co-créer notre propre vision et approche au niveau du business. Un “fast-forward” pour les stratèges de chez nous, qui nous aide à mieux comprendre le consommateur et le monde d’aujourd’hui. C’est à nous de fournir à nos équipes les outils nécessaires pour démarrer la conversation avec les clients ou en interne. »
La diversité et l’inclusion sont-elles des valeurs tout aussi importantes pour vos clients ?
Philippe Fass : « Nous avons en effet remarqué que durant les pitchs, par exemple, la constitution des équipes est un point auquel les clients prêtent plus d'attention qu'avant, et c'est tant mieux. »
Benoit Van Cauwenberghe : « Il faut amener, dans sa méthodologie d’agence, une façon de montrer l’exemple, en mettant « homme », « femme » et « autre » dans un questionnaire, ou en incluant directement un transgenre dans un storyboard, par exemple. Inclure la diversité tout au long de l’expérience client, pas parce que c’est « tendance » en ce moment, il ne faut pas non plus faire du « rainbow marketing », mais parce que c’est normal, c’est ce qu’il faut faire spontanément. Mais il faudra du temps. Il y a encore trop de gens en fin de carrière, pas agiles du tout. Il faut des jeunes, des prises de risques, pour faire bouger tout ça ! »
Sophie Steyaert : « C’est un sujet très important pour nos clients aussi bien sûr. Nous sommes un partenaire qui les aidera à transformer leurs marques vers des marques plus inclusives, plus à leur place dans le monde actuel. Mais c’est la même chose en interne ; ce n’est pas un quick fix ou une projectlist à finaliser pour réussir. C’est un chemin qu’on doit prendre ensemble avec l’esprit ouvert et conscient. »
N’y-a-t’il pas un conflit entre cibler les minorités, souvent exclues, et opportunités commerciales ?
Benoit Van Cauwenberghe: « Publicité et minorités ne vont pas du tout ensemble. Avec la publicité, on essaie de toucher une majorité. Aujourd’hui, on utilise une minorité pour sensibiliser une majorité… »
Audrey Feyants :« Notre mission est d’accompagner les marques et de renforcer leur meaningfulness, que ce soit pour une communication visant une large audience ou une communication plus ciblée et plus personnalisée auprès de minorités. Il faut donner du sens aux marques en donnant l’envie de les consommer. »
Philippe Fass : « Nous avons fait un shift de customer-centric à community-centric. Du coup, plutôt que de limiter les opportunités, ça ouvre en fait le champ des possibilités. Que ce soit envers la communauté LGBTQIA+ ou d'autres communautés culturelles. »
Quel serait le pire faux pas en termes de créa aujourd’hui ?
Sophie Steyaert : « Le “nous vers eux” ! Une communication inclusive veut dire que la créativité qu’on met en avant doit fonctionner et toucher notre cible de la bonne manière. Donc on ne met pas en évidence les différences mais on cherche les similarités et on communique de manière naturelle. »
Philippe Fass : « Chez Happiness, nous utilisons une échelle pour parler d'idées et de créativité. Le chiffre le plus bas qui y figure est le "1" et il est associé aux idées qui pourraient être "dommageables" à la marque. Du coup, nos watchouts, afin d'éviter ce genre d'idées, font partie intégrante de notre processus de travail. »
Benoit Van Cauwenberghe: « Je dirais la stratégie du « je vous aime ». Qu’une marque prétende/dise qu’elle aime les gays, qu’elle aime les personnes de couleurs, qu’elle aime les handicapés, etc. Aujourd’hui, les jeunes sentent quand c’est fake ou pas. Ils ne croient plus personne, ils l’ont appris avec l’écologie, la politique, … En tant qu’agence, il faut oser dire non et faire des choix. On pitch sur tout, mais est-ce qu’on fait l’exercice de se demander si cette marque est en lien avec nos valeurs à nous ? »