
Mark Ritson passe en revue l'année 2022 et sélectionne 10 moments que l'annonceur n'est pas prêt d'oublier. Voici les 5 premiers.
10) Elon Musk fait erreur sur les prix
Environ une semaine après avoir racheté Twitter, l’homme le plus riche du monde a annoncé que le « V bleu », le badge de vérification de certains comptes d’utilisateurs, coûterait désormais 20 dollars par mois. L’auteur américain Stephen King s’est exprimé dans la foulée dans un tweet désormais célèbre, où il annonce son départ imminent de la plateforme sociale en raison du coût beaucoup trop élevé du précieux sésame. La réponse d’Elon Musk : « Nous avons, nous aussi, des factures à payer. Que diriez-vous de 8 dollars ? » La nouvelle politique d’Elon Musk relative à la monétisation immédiate du badge de vérification et sa réponse à Stephen King étaient en fait truffées d’erreurs en matière de tarification.
- Il semble peu probable qu’Elon Musk ait eu le temps de mener des recherches approfondies sur les prix une semaine après l’acquisition de Twitter. L’introduction d’un tarif de 20 dollars par mois, sans connaissance préalable de la situation, s’est révélée contre-productive.
- La modification d’un tarif doit se faire avec certitude, sans marge de négociation. Dans le cas présent, Musk demande littéralement l’avis d’un utilisateur.
- Elon Musk ignore ici le concept de « price framing », qui consiste à communiquer un prix de la manière la plus favorable possible. Annoncer le prix de la bonne manière est bien plus important que le prix proprement dit.
- Une marque forte crée de la valeur à la fois pour l’entreprise et pour le consommateur. La tarification joue un rôle important pour les deux parties. Rendre le badge de vérification payant crée de la valeur pour Twitter, mais qu’en est-il de l’utilisateur ?
Les marketeurs ne sont pas responsables de la tarification des biens et des services, mais leur implication dans le processus est pertinente : l’étude des prix permet d’arriver à un tarif donné. Ce tarif doit alors être communiqué au marché. La valeur ajoutée des marketeurs dans le processus d’étude et de communication des prix est considérable. En 2023, veillons donc à mettre plus que jamais le prix au centre des préoccupations !
9) Les annonceurs pleurent la mort de la reine
Après le décès de la reine Élisabeth II, au mois de septembre, de nombreux annonceurs ont décidé d’exprimer leurs condoléances sur les médias sociaux. Peu d’entre eux se sont demandé si cela intéressait vraiment leurs consommateurs. Des annonceurs comme British Kebab Awards, Playmobil, Shrek, Jimmy’s Dildo Emporium et Thomas Cook, pour n’en citer que quelques-uns, ne se sont aucunement posé la question. Avec plusieurs tweets de mauvais goût à la clé.
Les annonceurs sont peu de choses. Les marketeurs, qui ont naturellement tendance à surestimer leur marque, doivent en être conscients : les marques n’ont que peu d’importance aux yeux des consommateurs. Mark Ritson cite d’ailleurs Sarah Carter, Global Planning Partner chez adam&eveDDB, qui résume parfaitement la situation : « Les consommateurs n’en ont rien à faire. Leur indifférence à l’égard des marques et de la publicité devrait servir de point de départ ». Prenez du recul : votre brand management et votre communication ont tout à y gagner !
8) BrewDog émet (volontairement) des communications contradictoires
À l’approche de la Coupe du Monde de la FIFA 2022 au Qatar, BrewDog a veillé à son image de marque et s’est targuée d’être l’« anti-sponsor » du célèbre tournoi de football. La brasserie a marqué le coup avec une campagne particulièrement incisive. Ce que la marque avait annoncé est toutefois en totale contradiction avec ce qu’elle a fait…
- Les matchs de la Coupe du Monde ont été diffusés dans les cafés BrewDog.
- La marque BrewDog a été exportée au Qatar.
- Les produits de la marque ont été servis pendant les matchs.
- La brasserie BrewDog a elle-même fait face à des problèmes sociaux en interne.
Ces dernières années, la notion d’image de marque a laissé place à la « saillance » (salience). Ce concept désigne le fait qu’un consommateur pense ou non à une marque lors de son choix de produit. Les marques sont peu de choses (voir point #9). Dans l’ordre des priorités, il est bien plus important d’être présent dans la tête du consommateur que d’essayer de contribuer à une image (positive). BrewDog a-t-elle dès lors bien fait de se démarquer de la sorte, malgré les contradictions apparentes ? Possible, car qu’on en parle en mal ou en bien, l’important n’est-il pas qu’on en parle ? Les marques sont en effet bien plus résilientes que beaucoup le pensent et retombent vite sur leurs pattes.
7) TikTokification
Tel est le terme employé par Mark Ritson pour décrire la croissance spectaculaire de TikTok ces cinq dernières années, mais aussi pour désigner l’imitation de TikTok par d’autres géants des médias sociaux. Tous ont misé sur les formats vidéo courts et ont abandonné leur mission de « faire le lien entre les gens ». Si on place côte à côte cinq smartphones en affichant sur chacun l’une des cinq principales plateformes de médias sociaux, il est presque impossible de les distinguer. Voilà où nous en sommes. TikTok envahit actuellement le paysage des médias sociaux et cette croissance semble se poursuivre. Cela se reflète à la fois dans les projections de chiffres d’affaires et dans les scores d’engagement.
6) Airbnb et la publicité à deux vitesses
Si, en 2023, vous n’avez pas encore entendu parler du rapport 60/40 entre les budgets « sensibilisation » et « performance » selon la théorie de Field & Binet, il est grand temps de vous mettre à la page. Le modèle « The Long and The Short of It », qui doit son nom à Field & Binet, n’est pas neuf et de nombreuses marques telles que Airbnb en ont déjà récolté les fruits. Dave Stephenson, CFO (!) de Airbnb, abonde dans ce sens, puisqu’il a déclaré que la marque avait consciemment ajusté ses budgets il y a plusieurs années pour mettre davantage l’accent sur la sensibilisation et moins sur les performances. Un CFO qui croit en la croissance à long terme et qui réfléchit moins sur le court terme, voilà qui constitue un excellent pas dans la bonne direction !
Dans son analyse, Mark Ritson évoque le rapport 60/40 habituel et indique qu’il ne s’agit pas d’une règle absolue et que tout dépend fortement du secteur d’activité. Des précisions qui ne nous étaient pas inconnues.
Son analyse met cependant aussi en évidence de (plus) récentes données de campagnes. Notamment celles de System1, qui a analysé plus de 5 000 campagnes et qui atteste clairement de ce qui suit.
- Les campagnes qui misent à la fois sur le branding et sur la performance fonctionnent (double duty campaigns).
- Les campagnes qui misent sur la sensibilisation/le branding et la performance dans des communications distinctes fonctionnent encore mieux.
- Les campagnes qui misent principalement sur la sensibilisation/le branding ont des retombées positives assez importantes sur les performances à court terme de la marque.
- Les campagnes qui misent principalement sur la performance ont un impact (très) limité sur la croissance à long terme de la marque.
Les chiffres confirment donc que la croissance à long terme des marques est mieux soutenue par des supports et des messages qui donnent des résultats durables et positifs.