Les 10 temps forts de 2022 selon Mark Ritson (partie 2/2)

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Mark Ritson passe en revue l'année 2022 et sélectionne 10 moments que l'annonceur n'est pas prêt d'oublier. Voici la 2ème partie. 

5) Extrapolation excessive

Durant la pandémie de Covid-19, de nombreuses voix du monde professionnel affirmaient que « tout allait changer » et que nous serions confrontés à une « nouvelle réalité ». Des auteurs célèbres et réputés tels que Martin Lindström ont fait des prévisions non conformes à la réalité. Une « synchronisation mondiale du comportement des consommateurs » avait été annoncée, ainsi qu’un « changement universel drastique ». Malheureusement pour Lindström, rien de tout cela ne s’est vérifié. Mark Ritson qualifie ce phénomène de « pornographie du changement » (pornography of change) : à la suite de certains événements, certains experts font des déclarations ou des prévisions très audacieuses qui ne se réalisent jamais par la suite. Ritson insiste sur la « loi ennuyeuse de la continuité » (boring line of continuity). La crise sanitaire a effectivement eu un impact majeur sur le comportement des consommateurs et a accéléré certains phénomènes. Mais maintenant que le plus gros de la pandémie est passé, toutes les tendances de consommation qui se sont manifestées se stabilisent également. Ces tendances affichent désormais les mêmes taux de croissance qu’à l’ère pré-covid et plus une croissance exponentielle. Toutes les données le prouvent.  !

4) Patagonia mise tout sur le purpose

L’an dernier, Patagonia avait annoncé la vente de l’entreprise à un fonds d’investissement qui reverserait effectivement tous les bénéfices à des initiatives et des projets liés à la durabilité et au climat. Une opération qui a coûté plusieurs milliards à Yvon Chouinard (à la tête de Patagonia) et sa famille. Vendre l’entreprise à un fonds d’investissement impliquait pour Chouinard de renoncer à sa fortune personnelle et même de payer des impôts sur la cession. « Un principe doit vous coûter quelque chose, sans quoi ce n’est pas un principe », affirmait William Bernbach. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec la vente de Patagonia, qui illustre à merveille le concept de brand purpose.

Le brand purpose fait aujourd’hui l’objet d’une définition erronée, voire totalement contre-intuitive. Le brand purpose ne coûterait rien à une marque ; il permettrait au contraire de gagner de l’argent.

Comme le montrent les chiffres de l’IPA, il n’en est rien : les campagnes dépourvues de brand purpose sont parfois plus efficaces que les communications dotées d’un purpose. L’incitant à mettre en œuvre une communication « brand purpose » ne doit donc jamais être un chiffre d’affaires ou un bénéfice supplémentaire. Le brand purpose coûte bel et bien de l’argent.

The purpose of purpose is purpose.

Un bel exemple local est celui de Leonidas qui, malgré une inflation galopante, a décidé de ne pas augmenter ses prix à la consommation en 2022 et donc de poursuivre la mission de l’entreprise : créer des moments de bonheur pour tous.

3) Une dose de purpose supplémentaire pour Unilever ?

Mark Ritson est resté sans voix à la lecture d’un article sur le brand purpose rédigé par Hanneke Faber, responsable mondiale d’un marché alimentaire de 13 milliards de dollars chez Unilever. « Le brand manager est mort… Vive le brand activist ! » Cet extrait revenait à dire que le purpose était tout ce qui comptait aujourd’hui et que la gestion des marques n’avait plus d’importance. Le brand manager se transformerait lui aussi peu à peu en activiste de la marque.

Ce postulat est toutefois en contradiction avec la réalité.

  • Il sous-entend qu’une communication dépourvue de purpose serait vaine.
  • Raccourci étrange : les marques qui misent sur le purpose se développeraient plus rapidement (excessif, voir point #4).
  • Le brand management dans son essence est resté inchangé.     

N’oublions pas qu’Unilever est une « maison de marques ». Il est logique de vouloir associer le brand purpose à votre marque lorsque vous gérez Ben & Jerry’s ou Dove, par exemple. Mais quel est l’objectif de marque de la mayonnaise Hellmann’s ? Ou des glaces Magnum ? Est-il judicieux pour une holding de revendiquer un seul purpose pour toutes les marques de son portefeuille ?

Le brand purpose est servi à toutes les sauces. Terry Smith, président d’un important fonds d’investissement exposé à Unilever (et à son changement d’orientation), a parfaitement résumé sa frustration dans une déclaration (Unilever réalisait des performances moyennes et s’attelait davantage à son purpose qu’à obtenir des résultats) :

« Une entreprise qui se sent obligée de définir l’objectif de la mayonnaise Hellmann’s a, selon nous, clairement perdu les pédales. La marque Hellmann’s existe depuis 1913. Les consommateurs doivent avoir compris quel est son objectif (spoiler alert : les salades et les sandwiches). »

D’après les chiffres, cette attitude a entravé la croissance d’Unilever par rapport à ses concurrents, qui ont eux aussi misé sur leur objectif de marque, mais dans une moindre mesure. La citation ci-dessus et les chiffres de croissance ont amené Unilever à revoir ses priorités. Une marque doit d’abord se développer, puis seulement s’attacher à le « faire correctement ». Pas l’inverse.

2) La fuite des annonceurs hors de Russie

Après l’invasion russe en Ukraine, le régime de Poutine s’est vu (et se voit encore) imposer de nombreuses sanctions économiques. Et les annonceurs suivent : à quelques exceptions près, plus de 1 000 marques se sont retirées du marché russe, entraînant une grave hémorragie économique pour la Russie. Ce retrait n’a toutefois pas seulement été préjudiciable à la Russie : les marques qui se sont retirées ont elles aussi subi des pertes (financières) considérables en s’écartant du marché russe. Hé oui, on peut ici parler de « brand purpose » au sens strict !

1) Le défi de la stagflation

Les annonceurs ont désormais finalisé leurs budgets et leurs plans pour 2023. Presque tout le monde a été et sera confronté au même défi : l’inflation historiquement élevée entraîne une hausse des prix à la consommation, ce qui rend les ventes plus difficiles ; tandis que la récession empêche l’augmentation des budgets de communication pour stimuler ces ventes.

Ce dernier point sur la liste de Mark Ritson n’est pas neuf. En période de récession, les annonceurs devraient maintenir leurs investissements dans la mesure du possible. Lors des récessions économiques, la plupart des annonceurs lèvent le pied et réduisent fortement, voire interrompent leur communication. Une opportunité toute trouvée de gagner une « part excédentaire des voix » (Excess Share of Voice) ! Lorsque les concurrents ne font pas de publicité et/ou ne communiquent pas, une sorte de « vide » se crée sur le marché et vous n’avez plus qu’à vous engouffrer dans la brèche. Vous y gagnez une « part des voix » supplémentaire et donc une part de marché supplémentaire à l’issue de la récession (ceteris paribus). Pour ne rien gâcher, l’achat d’espace publicitaire est souvent aussi moins coûteux en période de récession, car il y a tout simplement beaucoup plus de disponibilités. Une situation gagnant-gagnant, à condition bien sûr de convaincre l’entreprise de continuer à investir en ces temps de crise. D’innombrables données justifient heureusement cette stratégie. 

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