Trois questions sur la blockchain à Rudi Peeters, CIO chez KBC

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La blockchain a le potentiel pour transformer tout secteur de manière radicale. Mais de quoi s’agit-il exactement et que permet cette technologie ? Nous nous sommes entretenus avec Rudi Peeters, Chief Information Officer chez KBC.

Pouvez-vous expliquer, dans un langage intelligible, ce qu’est la blockchain au juste ?

J’aime comparer la technologie blockchain à un quiz. Imaginez que nous fassions un quiz : vous êtes les participants et je suis l’animateur ; je pose les questions et vous répondez ; je fais office d’intermédiaire et je maîtrise toute la connaissance et toutes les règles. Bien : c’est le schéma classique d’un quiz. Pensez, en revanche, au jeu « Je vais au magasin et j’achète… » ? Le premier participant nomme un objet ; le deuxième le répète et en ajoute un autre ; le troisième énumère les articles déjà cités dans le bon ordre et ajoute encore un objet ; et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un des participants se trompe. Tout le groupe crie alors « Faux ! » Il n’y a plus besoin d’arbitre. Vous pouvez faire une croix sur l’intermédiaire, car vous disposez d’un concept qui établit la confiance et le consensus au sein du groupe. C’est la manière la plus simple d’expliquer ce qu’est la blockchain. La blockchain supprime l’intermédiaire.

Cela implique-t-il la fin des intermédiaires dans le secteur financier et, par conséquent, la fin des banques ?

Tous les secteurs où une instance fait office de « trusted partner » et où cet intermédiaire est nécessaire — car vous ne pouvez pas effectuer la transaction autrement — sont menacés : le secteur bancaire, le notariat, le secteur juridique… Il est dès lors crucial que nous nous intéressions activement à cette question, en tant que banque. Si nous ne le faisons pas, un autre acteur nous rendra rapidement « superflus ». Nous sommes à la recherche des opportunités : pouvons-nous faire de nouvelles choses avec la blockchain ? Au fond, la technologie est l’élément le moins important. Nous nous concentrons plutôt sur ses applications pour de nouveaux modèles d’affaires innovants.

À quelles applications concrètes de la blockchain KBC a-t-elle recours aujourd’hui ?

L’aspect trade finance avec crédits documentaires et garanties de recouvrement est un produit complexe. Il implique un long processus administratif et de contrôle qui est habituellement effectué par un intermédiaire, dans ce cas la banque du vendeur et la banque de l’acheteur. Il s’agit d’une procédure lente, coûteuse et complexe. Nous ne proposons donc actuellement ce service qu’aux clients corporate. Avec la blockchain, nous pourrions proposer une plateforme qui simplifie et réduit le coût de cette procédure. Sans que les banques doivent jouer le rôle d’intermédiaires. Nous pourrions dès lors également proposer ce service aux PME. Nous cannibaliserions, certes, notre activité actuelle, mais en créant un nouveau modèle d’affaires.

Un autre exemple concerne l’authentification de documents. Au vu de la vague de fake news qui font la une en ce moment, j’ai suggéré, en guise de boutade, à notre département RP d’intégrer nos communiqués de presse dans une blockchain, histoire que les journalistes soient sûrs de se fonder sur des informations correctes, émanant directement de la banque. Deux mois nous ont suffi pour développer cette application. Et elle rencontre un succès inattendu. Nous avons alors compris que cette même plateforme offrait bien plus de possibilités : nous pouvions l’utiliser pour lutter contre la fraude aux factures, pour authentifier les rapports du conseil d’administration et toutes sortes de documents… Nous envisageons désormais de proposer ce service aux entreprises. Un nouveau modèle d’affaires basé sur la blockchain.

Outre les projets pilotes avec les clients externes, nous étudions cette année aussi les possibilités de la blockchain pour nos processus internes. De nombreux intermédiaires sont en effet impliqués dans ces processus et la blockchain présente, à cet égard, de nombreuses opportunités sur le plan de l’efficacité.

La blockchain est une technologie brillante. Elle pourrait bien engendrer, dans un avenir proche, de profondes disruptions dans tous les secteurs. Dans cette perspective, vous pouvez la considérer comme une menace pour votre activité. Mais elle offre surtout une infinité de nouvelles possibilités. Le fait d’utiliser et d’appliquer cette technologie en interne nous permet de mieux la comprendre. Et de développer ainsi de nouveaux modèles d’affaires. Je me sens un peu comme Alice au pays des merveilles !

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