
Qu’il s’agisse du développement de produit, du renforcement de l’image de marque, de la communication ou des activités commerciales en général, une segmentation correcte de la clientèle est essentielle à l’élaboration d’une stratégie solide et efficace. Depuis quelques années, les sciences comportementales et l’étude du comportement jouent un rôle de plus en plus important dans cette segmentation. Le comportement des consommateurs change cependant considérablement pendant une récession, entraînant une modification des segments de clientèle et des critères de segmentation.
Comportement humain
Qu’est-ce qui motive le comportement humain et comment les individus prennent-ils des décisions ? Selon le modèle anatomique évolutif ; notre cerveau humain est, en résumé, le résultat de trois grandes phases d’évolution : le cerveau reptilien, le cerveau mammalien (ou système limbique) et le cerveau humain (ou néocortex). Sur l’échelle de notre évolution en tant qu’espèce, le cerveau reptilien constitue le plus ancien des systèmes. Il abrite notre instinct de survie le plus primitif et concerne nos réflexes innés. Le cerveau mammalien est plutôt responsable des comportements inconscients et émotionnels. Le néocortex, enfin, commande les comportements conscients et rationnels. Chaque zone de notre cerveau déclenche donc un type de comportement différent.
Des études récentes montrent que 95 % des décisions sont prises inconsciemment. À peine 5 % de nos décisions sont donc le fruit d’une réflexion délibérée. Les chercheurs en comportement identifient, en outre, des décisions liées à la valeur et des décisions liées au but. Les décisions peuvent être rationnelles, émotionnelles ou irrationnelles, habituelles ou instinctives. Selon Kahneman, notre cerveau a 2 modes de fonctionnement, 2 systèmes de traitement de l'information. Un système rapide (système 1) et un système lent (système 2). Le système 1 fonctionne automatiquement, inconsciemment, sans effort. Ce système contrôle 95% de notre pensée. Le système 2 est plus lent, réfléchi, logique et (auto-)conscient. Il s'agit d'un processus de pensée rationnelle contrôlée et ne représente que 5 % de notre pensée. Nous sommes donc effectivement plus irrationnels que nous le pensons... Chacune de nos décisions est prise par l'un de ces deux systèmes. Les recherches ont également montré que les différents systèmes de notre cerveau ne peuvent pas être actifs en même temps. Ainsi, pour bien comprendre les facteurs d’influence du comportement humain, il convient tout d’abord de se pencher en détail sur le cerveau humain.
Des êtres irrationnels
Les individus adoptent un comportement donné pour parvenir à une fin donnée. Un réflexe de fuite instinctif nous permet de nous mettre en sécurité et de survivre. La décision impulsive d’acheter cette glace dont nous avions tant envie provoque en nous un certain sentiment de satisfaction, d’assouvissement. Le choix d’une telle marque de téléphone ou d’une telle marque de voiture nous procure, quant à lui, un sentiment d’appartenance (belonging) et crée une forme de statut et de fierté.
Le professeur émérite R. Plutchik a décrit que notre comportement inconscient est largement déterminé par huit émotions bipolaires primaires : colère et peur, anticipation et surprise, confiance et aversion et, pour finir, joie et tristesse. C’est précisément l’influence de ces émotions primaires sur 95 % de notre comportement qui a un impact fondamental, et qui nous contraindra à revoir nos segments de clientèle.
Repenser les segments de clientèle
Une période de récession, quelle que soit son ampleur, crée beaucoup d’incertitude, de stress et de méfiance, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Les émotions telles que la peur, la tristesse, la confiance ou l’anticipation influencent le comportement des consommateurs. La façon dont nous, entreprises et marketeurs, devons segmenter nos clients ou consommateurs dépend donc dans une large mesure de leur réaction émotionnelle à la récession économique. Nous distinguons 4 segments potentiels :
1. Freiner des quatre fers
Le premier segment est celui des consommateurs qui "freinent des quatre fers". Il s’agit des consommateurs qui se sentent les plus vulnérables. Ils ont généralement beaucoup souffert lors d’une précédente crise (financière). Ce groupe comprend à la fois les consommateurs les plus vulnérables de la société et des consommateurs plus fortunés, mais très anxieux. Les consommateurs plus aisés de cette catégorie sont souvent des individus dont les revenus sont lourdement impactés par la baisse des taux d’intérêt ou la chute des marchés boursiers ou qui sont fortement tributaires de facteurs sanitaires (indépendants, médecins, spécialistes, etc.). Ce segment réduit ses dépenses au strict minimum, soit par nécessité soit par précaution. Ces consommateurs suspendent certains achats ou les reportent.
2. Attendre patiemment
Le deuxième segment se compose de groupes de consommateurs résilients, qui envisagent l’avenir (à long terme) d’un œil optimiste. Pour eux, l’incertitude règne néanmoins à court terme. Ils ne sont pas convaincus d’une reprise rapide et pensent qu’ils ne pourront pas maintenir le même niveau de vie pendant les semaines, mois, années à venir. Cette incertitude se traduit, tout comme pour le premier groupe, par un important réflexe d’économie. Ces consommateurs réalisent des économies substantielles à tous les niveaux. Ce groupe est de loin le plus large. Il renferme des consommateurs qui ne sont pas directement touchés par le chômage ou des revenus fortement réduits et se compose principalement de ménages de la classe moyenne ouvrière.
3. Aucun problème
Le troisième segment est l’opposé du premier. Ce groupe traverse confortablement la crise. Ces consommateurs se sentent suffisamment en sécurité et en confiance pour passer cette période difficile. Ce groupe se compose, pour l’essentiel, d’individus appartenant aux 5 % de revenus les plus élevés, mais comprend aussi des personnes aux revenus plus modestes, qui disposent de réserves financières suffisantes pour surmonter les difficultés. Ce segment présente un schéma de consommation et de dépenses presque inchangé, bien qu’il puisse se montrer légèrement plus sélectif dans ses achats.
4. YOLO
La quatrième et dernière catégorie vit au jour le jour et fait comme si de rien n’était. « On verra ce que l’avenir nous réserve. » Ces consommateurs ne se tracassent pas vraiment pour leurs économies. Ils sont généralement plus jeunes et vivent davantage en milieu urbain. Ils louent aussi plus fréquemment leur logement plutôt que de l’acheter. La récession repoussera le moment où ils pourront se permettre certaines dépenses, mais ne les empêchera pas de les faire. À l’exception de l’électronique, ces consommateurs préfèrent dépenser leur argent en expériences et en récits, plutôt qu’en biens matériels. Tant qu’ils ne se retrouvent pas au chômage, leur comportement de consommation varie peu.
One more thing
Quel que soit le segment dans lequel les consommateurs se trouvent et, quels que soient les critères utilisés pour les répartir, les recherches montrent qu’ils établissent des priorités dans leurs habitudes de dépenses. Les consommateurs classent les produits et les services selon 4 catégories :
- essentiels : produits ou services de première nécessité (bien-être physique et mental) ;
- jouissifs : petits plaisirs ou luxes dont l’acquisition immédiate est défendable ;
- postposables : produits/services nécessaires ou souhaités dont l’achat peut toutefois être temporairement reporté ;
- superflus : achats ou consommations accessoires et/ou indéfendables.
L'être humain est une créature miraculeuse et irrationnelle. Un individu au comportement souvent imprévisible. Toutefois, en tenant compte des enseignements du passé, des observations du présent, complétées par la recherche et la science comportementale, nous pouvons estimer au maximum le comportement attendu des groupes de consommateurs. Et sur la base des 2 axes ci-dessus - segments de clientèle révisés et critères de base pour le comportement d'achat - nous, spécialistes du marketing, pouvons-nous armer contre le changement de comportement des consommateurs.