
Le quatrième et avant-dernièr media gap est définie comme une déficience dans "la mesure des médias, l'attribution et les modèles de marketing mix". Le web décrit le marketing mix modeling (généralement abrégé « MMM ») comme un processus complexe de modélisation des effets des investissements marketing afin d’orienter et d’optimiser ces derniers. Mais les informations fournies par ces modèles n’entraînent-elles pas des décisions marketing superficielles ?
L’objectif du MMM est de mesurer la contribution de chaque média ou point de contact par rapport au chiffre d’affaires d’une entreprise. Ces mesures sont ensuite utilisées pour améliorer ou optimiser l’attribution des investissements marketing (futurs).
Cette façon de mesurer et de décider n’est pas nouvelle, puisqu’elle est utilisée depuis plus de 20 ans. Elle peut aider les marketeurs à comprendre l’impact de leurs stratégies marketing passées et leur donner un aperçu de l’effet de leurs campagnes à venir. Cela facilite la planification et l’optimisation des communications futures, qui peuvent être basées sur des résultats antérieurs.
Dans certains cas, le MMM peut cependant conduire à une réflexion à court terme et à des décisions d’investissement sous-optimales. Étant donné que les marketeurs d’aujourd’hui (a fortiori au sortir d’une crise) sont exhortés à réaliser des ventes, à être rentables et à atteindre des objectifs personnels, ils sont contraints de prendre des décisions à court terme. Autant de décisions souvent basées sur le ROI des canaux de communication utilisés. Les médias numériques procurent un certain confort : ils sont directement mesurables (clics, vues…) et liés à des modèles d’attribution définis. Ils agissent sur le court terme, ce qui permet au marketeur d’obtenir rapidement des résultats visibles. Le réflexe logique du marketeur est alors évidemment d’investir davantage dans les points de contact numériques, en raison du ROI élevé qu’ils présentent. De faibles investissements peuvent toutefois produire un ROI important. La stratégie la plus évidente ne permet pas d’établir des marques.
En d’autres termes : les investissements basés sur le ROI s’entendent à court terme. Ces décisions ne sont pas mauvaises, mais elles sont incomplètes.
Comme nous l’avons souligné dans un précédent article, les décisions à court terme compromettent le brand building. Afin de favoriser le développement d’une marque, les marketeurs ne doivent pas se contenter de lire les modèles MMM. Ils doivent les interpréter et s’interroger sur les conséquences à long terme de certaines décisions d’investissement. Une marque ne se construit pas en quelques mois ou en un an. Un modèle de mix marketing, oui. Si les marketeurs n’envisagent pas les choses dans leur ensemble, les investissements seront bientôt systématiquement orientés vers les médias numériques à court terme.
La réflexion d’un marketeur doit toujours être axée sur la construction de l’image de marque. Et cela passe nécessairement par des décisions médias à long terme. Autrement dit, un marketeur devra parfois prendre des décisions contre-intuitives : « Je dois investir davantage dans la télévision, même si le ROI de ce média est (beaucoup) plus faible que celui du SEA, par exemple ».
SEA |
TV |
ROI : 10 % |
ROI : 4 % |
Contribution au CA : 6 % |
Contribution au CA : 43 % |
Explication : sur la base du scénario ci-dessus, un marketeur optera probablement pour le SEA, car ce canal présente un ROI plus de deux fois plus important que la télévision et qu’il peut donc offrir des résultats rapides (soit « à court terme »). Il s’attardera moins sur d’autres variables telles que la contribution au chiffre d’affaires. Or si les décisions étaient prises de ce point de vue, les investissements porteraient plutôt sur la télévision que sur le SEA : la publicité télévisée permet de réaliser près de la moitié du volume, tandis que le SEA représente « seulement » 6 %. Cela ne signifie évidemment pas qu’il faut cesser d’investir dans les moteurs de recherche. Les décisions doivent être prises en tenant compte du contexte global, en accordant une place centrale au brand building et aux médias à long terme et en évitant de se concentrer uniquement sur le ROI. La croissance et la construction de l’image de marque s’obtiennent, en effet, par le volume, pas par le rendement. Le ROI est un bon indicateur, mais il n’est pas essentiel à l’établissement d’une marque.
Cet exercice de réflexion sur les investissements doit être réalisé par un annonceur, et non par un modèle ou un ordinateur. Le MMM n’établit en effet aucune distinction entre le court et le long terme et ne tient pas compte du funnel de communication. Les résultats de ces modèles sont chiffrés et factuels. En raisonnant uniquement de cette manière, le marketeur prendra des décisions incomplètes qui rendront la marque vulnérable à l’avenir.