Kantar Sustainability Foundational : 5 clés pour s'inscrire dans une démarche de développement durable

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Menée en juillet auprès d'un peu plus de 12.000 européens (18+) issus de 35 pays - dont un millier de sondés en Belgique -, l’étude "Sustainability Foundational" de Kantar bouscule quelques idées reçues et délivre son lot d'enseignements pour les marketers désireux d'inscrire leur marque dans une démarche de développement durable. Il en va d'ailleurs de leur pertinence :  à ce niveau, et à l'instar des autres pays européens, les Belges sont en attente de plus d'engagement de la part des entreprises. Explications avec Corinne Mostaert, Sustainability Lead chez Kantar.

Votre étude couvre différentes thématiques - de ce qui inquiète le plus les Belges à ce qu’ils font et aimeraient faire, en passant par ce qui les en empêche. Elle fait aussi le point sur leurs attitudes vis-à-vis du développement durable. Pouvez-vous tout d'abord nous dire comment vous définissez cette notion somme toute très large ?
Tout simplement comme la capacité à créer un avenir meilleur et plus durable pour notre planète, pour toutes les personnes et espèces qui y vivent. En la matière, on constate que les citoyens attendent beaucoup des marques et que tout cela ne va pas sans susciter des tensions au sein de nos sociétés. Nous en relevons cinq que les marques devront résoudre.
 
La première tension est liée à une certaine forme de cynisme : on attend beaucoup des marques mais en même temps, on se méfie. S'ils sont conscients que l'avenir de la planète est l'affaire de tous, 63% des Belges déclarent que le développement durable relève plus des entreprises que de leur propre responsabilité. En même temps, ils sont autant à craindre que les marques ne s'intéressent à ces questions que pour des raisons commerciales. 

L'ombre du greenwashing est toujours là...
C'est un élément important. On voit beaucoup de communications liées au développement durable, mais étant de plus en plus informés, les consommateurs sont aussi plus critiques, et il faut le reconnaître, parfois aussi fort injustes : les entreprises qui agissent sont autant sous la loupe que celles qui ne bougent pas. D'où l'importance d'être authentique, d'agir sur les éléments sur lesquels l'entreprise a réellement de l'emprise. D'où également l'importance de bien comprendre où se situent les inquiétudes associées à chaque catégorie de consommateurs. 

Une marque doit opérer là où elle a de l'impact, en veillant à être légitime, donc sur les bonnes thématiques, avec la bonne approche, afin que la démarche ne soit pas perçue comme de l’opportunisme.

Tension n°2, vous nous dites aussi que les gens veulent vivre de manière plus responsable mais qu'ils n’y arrivent pas toujours...
Une majorité de Belges pensent qu’ils peuvent contribuer à changer le monde grâce à leurs choix et leurs actions, mais 81% disent que les produits durables sont toujours chers et 67% qu’il est très difficile de déterminer quels sont les "bons" produits.

Les marques doivent aller de l’avant concrètement pour aider les consommateurs à être en phase avec leurs valeurs, pour faire de leurs bonnes résolutions une réalité. Aujourd’hui, trop souvent, le désir de changer ses habitudes se heurte aux contraintes du quotidien.

L'augmentation des prix n'arrange rien...
En effet. Nos choix sont liés à nos habitudes et à des compromis liés à notre budget. Généralement, quand un produit se différencie, on sait qu'on peut demander un prix plus élevé, mais en ce qui concerne la durabilité, les consommateurs s'attendent à ce que les marques prennent sur elles de produire et de distribuer de tels produits. Pourquoi payer plus pour quelque chose qui est nécessaire ? La capacité à augmenter les prix et à faire de la durabilité un élément de "net premium" est quelque chose de compliqué. 

Vous relevez également beaucoup de confusion.
Il est parfois difficile de comparer les différentes options : il y a beaucoup de labels, d'étiquettes et d'informations à décrypter afin de s’assurer de faire le bon choix. 

Le troisième point de tension serait lié au comportemental : la question du réchauffement climatique reste conceptuelle alors que les principaux sujets d’inquiétude sont très concrets. Par exemple, les Belges s'inquiètent plus de la pollution de l’eau que des émissions à effet de serre... 
Les scientifiques sont assez unanimes pour dire que l’enjeu principal est le réchauffement climatique. Pourtant, quand on demande aux Belges de définir ce qui les inquiète le plus, les émissions de carbone et de gaz à effet de serre n’arrivent qu’en huitième position - idem du reste pour la moyenne européenne. Les inquiétudes se cristallisent sur des sujets environnementaux plus "satellites" : perte de biodiversité, déforestation, phénomènes météorologiques extrêmes, pollution de l’eau. Ces sujets plus concrets sont plus facilement perceptibles, et les citoyens en font de plus en plus l’expérience. 

Alors, même s'il est logique que les émissions de carbone soient l’enjeu principal des entreprises, quand il s’agit de définir plus précisément le rôle des marques, il s’agit d’apporter une réponse à ces enjeux plus personnels, plus locaux. Les gens sont avant tout conscients de ce qui est proche d'eux : c'est "My World. Our World. The World". Pour que les marques soient légitimes, il faut que les leviers qu'elles actionnent soient tangibles et proches des besoins et attentes. De même, elles doivent jouer un rôle fédérateur pour embarquer les citoyens, répondre à une question qui revient souvent dans le chef des gens : quel impact puis-je avoir à mon petit niveau ? 

Autre tension : vous dites que les Belges attendent des marques qu'elles nous encouragent à moins et mieux consommer.
C'est un comportement déjà fortement adopté dans les ménages - éviter le gaspillage, acheter le nécessaire, etc. -, et il est dès lors logique que les consommateurs attentent des marques FMCG et des retailers qu'ils fassent de même. Ce qui explique aussi que certaines marques se détournent du Black Friday, à tout le moins, qu'elles se montrent plus prudentes ou plus créatives dans la manière de l'aborder. 

C'est ce que fait Decathlon cette année avec son action "Back Friday"...
Et c'est exactement ce qu'on attend des marques, c'est en ligne avec le besoin de légitimité et c'est un "enabler", un vecteur de changement. Pour autant, on n’attend pas non plus de toutes les marques qu’elles répondent à tous les enjeux ; il existe des priorités différentes selon la catégorie, mais au-delà nous avons découvert que les marques sont attendues sur certaines thématiques récurrentes. L’important est de comprendre ces attentes. 

Il faut se rendre compte qu'on ne va pas remercier une marque parce qu'elle améliore ses emballages : c'est quelque chose d'attendu. En revanche, elle sera critiquée si elle ne le fait pas. Par ailleurs, la transformation durable peut devenir un avantage commercial et il est aussi important d’identifier ce qui vous permettra de vous différentier. C'est ce que nous appelons l'approche Shields & Swords. 

Mais encore ?
C'est une approche qui s'intègre dans notre Sustainability Framework et qui permet de mieux comprendre comment les marques de différentes catégories peuvent gérer de manière responsable ces questions de durabilité, identifier où concentrer leur attention afin de répondre aux tensions que nous avons évoquées et voir comment l'innovation peut être utilisée pour combler le fossé valeur-action.

Le shield, c'est le bouclier : ce qui va protéger les marques en première instance, le minimum requis. Une fois qu'on a agi sur ces boucliers ou en même temps, on peut se différencier en activant les épées (swords). Un bon exemple, c'est la gamme de sneakers Adidas Parley, fabriquée à partir de micro-plastiques qui polluent les océans. En amont, la marque s'inscrit contre le gaspillage - c'est le shield - et dans la foulée, elle travaille sur un élément un peu moins tangible mais très associé à la catégorie : la protection de l'environnement - c'est l'épée. A l'aide d'une innovation finalement très facile à adopter pour le consommateur, Adidas facilite la consommation durable. 

Le dernier point que vous vouliez mettre en avant concerne les 18-34, davantage sensibles aux sujets sociétaux que les 55+ qui se focalisent plus sur l'environnement. Cela vous a surpris ?
Ce qui nous a surpris c'est l'importance que les jeunes accordent aux phénomènes sociétaux. Si les enjeux environnementaux font partie du top 10 de leurs sujets d’inquiétude, ils les mettent davantage en concurrence avec les enjeux sociétaux : le racisme, la discrimination et le harcèlement, la santé mentale, la xénophobie et les inégalités liées au genre. Si les marques veulent s'adresser aux jeunes, elles doivent avoir un focus sur le social, pour autant évidemment qu'elles soient légitimes.

Autre chose ?
Un point intéressant pour les marques, pour leur trajet : toujours partir de ce qui est légitime pour elles, associé à la catégorie ; prendre en compte le purpose - l'impact que l'on veut avoir sur la vie des gens et la société - et voir ce qui est authentique par rapport aux valeurs clés de la marque. Ensuite, il faut bien comprendre qui sont les clients de cette marque et leur degré d'engagement - toutes les marques ne parlent pas aux mêmes personnes et il y a plusieurs niveaux d'engagement - et aussi bien comprendre les barrières qui se présentent - par exemple quand les gens disent qu'ils veulent se comporter de manière plus responsable mais qu'ils n’y arrivent pas toujours -, de façon à adapter les innovations et la communication, et pouvoir agir en connaissance de cause.

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